Aïskido

C’est une sorte de dada : trouver des ponts entre les activités auxquelles je m’adonne. Il y a des connexions évidentes entre le ski et la moto, par exemple : regarder où on va ; rester conscient de son environnement, des autres autour de soi, de leurs intentions…

La question du jour est donc la suivante : « est-ce que l’aïkido peut améliorer mon ski ? ». Et réciproquement : « est-ce que le ski peut améliorer mon aïkido ? ». Ou encore : « est-ce que ces deux trucs ont des choses en commun ? » Evidemment, poser la question c’est déjà un peu répondre oui, dire que ces deux activités peuvent se nourrir l’une l’autre.

La pente sera notre partenaire du jour, une sorte de uke égal à lui même et qui ne ment pas.

Face à lui, on présente un bon kamae, les bras devant, détendus et actifs, les pieds bien en contact avec la planète qui reste notre meilleure alliée, le poids presqu’également réparti entre eux, peut-être un peu plus sur celui proche de uke, de la pente.

Notre posture, notre shizei, accentue cet ancrage dans le sol et affirme notre présence. On ne refuse pas la pente. On ne refuse pas le combat. Une fois la situation amorcée, il faut s’engager sincèrement et totalement. Il est trop tard pour se défiler.

Faire face à la pente, toujours. Garder uke devant soi. Le buste tourné vers l’aval, le hara orienté vers uke. On ne tourne pas le dos à son opposant. On ne lui présente pas ses flancs.

Ma ai. Se placer comme il faut dans la pente. Se placer convenablement par rapport à uke. Tout se joue dans les quelques premières secondes où on va adopter le meilleur placement pour nous donner la plus grande autorité sur la situation. Toute erreur grossière de placement va, par un effet domino, influer de façon négative sur tout le déroulement de la situation et souvent sur son issue. Certes, on peut parfois rattraper une erreur, pas toujours. Mais l’idéal est bien de ne pas la commettre.

Travailler en puissance, pas en force. Le fait de forcer traduit un déficit quelque part dans la construction du mouvement, dans un des aspects évoqués plus haut. Le plus souvent, un mauvais placement de départ, soit dans l’espace, soit dans le temps.

Dans l’enchaînement des virages, comme un travail uchi-komi, on constate rapidement qu’on n’est pas aussi à l’aise à droite et à gauche. Le geste est moins harmonieux, plus grossier d’un côté que de l’autre. Sur les skis, une jambe fatigue plus vite que l’autre, un pied s’endolorit et pas l’autre.

Renforcer ce qu’on sait faire ; explorer de nouvelles solutions. C’est valable pour toutes les disciplines. Ce qu’on sait faire, ce sont nos bases. On en a besoin, c’est fondamental. Mais si on s’en contente, on ne progresse pas. Il faut alimenter ses compétences pour élargir les bases.

S’adapter à la situation. La pente et l’état de surface sont variables. La luminosité, la qualité de la neige changent d’un endroit à l’autre. Uke ne se comporte pas comme un autre uke. Et un même uke ne propose que rarement deux fois une situation à l’identique.

Voilà donc en quoi ski et aïkido peuvent se compléter ici ou là, se nourrir l’un l’autre. On pourrait s’autoriser à établir des ponts avec d’autres activités pour enrichir encore notre pratique de considérations venues d’ailleurs. C’est en substance une façon d’élargir la voie.

C’est aussi une façon de faire de l’aïkido en toutes circonstances.

Et quand on se retrouve le nez dans la neige, c’est qu’on est devenu uke ; la pente a gagné. Hélas, les skieurs n’apprennent pas les ukemi.