La place d’honneur dans le dojo est réservée au Kamiza (autel traditionnel en relation avec la religion shinto) et au professeur. Kamiza signifiant « siège des esprits ».
Ainsi, au Japon la pièce principale dispose d’un côté « réservé » signalé par une tablette ou une niche que l’on destine à honorer les personnes les plus méritantes de la maison, et cela inclut aussi bien les « esprits des ancêtres », que des personnalités absentes physiquement, mais que l’hôte admire particulièrement.
Les différentes écoles d’arts martiaux perpétuent cette tradition et beaucoup de dojos possèdent leur Kamiza.
En aïkido, on dispose à la place d’honneur une photo d’O’Sensei, Ueshiba Morihei, le créateur de la discipline.
En général, l’enseignant s’asseoit devant le Kamiza, face aux élèves. Se plaçant ainsi de manière visible et pas seulement symbolique en « continuateur légitime» d’une forme d’art ou d’un ensemble de techniques transmises de maître à élève…
Et puis, selon la sensibilité de l’enseignant, ce kamiza rassemblera également différents objets symbolisant les valeurs et connaissances propres à chaque discipline. Par exemple, une calligraphie qui signifie « mu shin » (le zen enseigne qu’il faut se méfier de la pensée et du langage car ils formatent les perceptions. Il préconise un état d’inconscience, sans pensée (mu signifie vide et nin pensée). Aucune pensée ne peut ainsi introduire de distorsion. Seule une certaine spontanéité permet d’appréhender les combinaisons illimitées du monde. Plus généralement, le zen met en garde contre toute mise en forme dont le caractère arbitraire ou rigide risque de brider l’esprit).
Les trois armes traditionnelles de l’aïkido y trouvent naturellement leur place : le bokken, le jo, le tanto (qui sont les bases de la plupart des techniques utilisées par l’Aïkido) figurent aussi sur la plupart des kamizas.
Parfois, une statue de Bouddha peut y être exposée. Non pas en tant que dieu à révérer, mais en tant que représentation d’un état d’esprit de partage et d’ouverture. Bouddha était un homme, ni plus ni moins. Un être qui découvrit comment vivre le mieux possible une vie humaine harmonieuse et libérée de ses « chaînes mentales ». Il représente l’attitude mentale (quelque part) que nous cherchons à atteindre par notre pratique.
Un côté du kamiza est donc consacré au « côté spirituel et philosophique » de la pratique aïki, l’autre rejoint davantage l’aspect martial de l’aïkido.
Par l’équilibre de ces deux aspects contradictoires, le pratiquant peut approcher l’essence véritable de la pratique des arts martiaux (autant un état d’esprit qu’une pratique).
Suivant l’ « étiquette », le code qui régit la pratique aïki, en montant sur le tatami ou en le quittant, en commençant ou en terminant un cours, le professeur et les étudiants s’inclinent vers le kamiza.
Cependant, cette habitude peut choquer certains disciples de religions établies ou même des athées convaincus. En effet, vu avec un regard extérieur ce salut peut passer pour un culte rendu à de fausses idoles voire être assimilé à un rituel sectaire. En fait, c’est loin d’être le cas : il n’y a aucune connotation religieuse dans ce signe de respect.
L’enseignant et les élèves remercient ainsi, ceux qui les ont précédés sur le chemin de l’apprentissage. C’est aussi, de leur part, une marque de simplicité et d’ouverture d’esprit : apprendre et transmettre le plus complètement, le plus fidèlement ces techniques issues de traditions martiales anciennes et parvenues jusqu’à nous grâce aux infatigables efforts de générations et de générations d’artistes martiaux (dont nombre perdirent la vie en perfectionnant leur art).
Mukso, le bref instant de recueillement qui précède chaque séance d’entraînement se place dans cette perspective : le portrait d’O’Sensei symbolisant les « artistes martiaux » des générations passées.