Entraînement
Une autre façon de considérer l’entraînement est celle de la dépense énergétique liée à la situation elle-même.
Des travaux réalisés pour analyser le fonctionnement du cerveau ont montré qu’il y a, typiquement, trois états dans lequel il peut se trouver :
- le repos
- l’apprentissage (découverte de la nouveauté)
- la répétition (routine)
La dépense énergétique la plus importante, et de loin, a lieu lors de l’apprentissage. C’est ce qui procure la sensation de fatigue après une période intense d’apprentissage et ce, d’autant plus que le sujet est nouveau et complexe.
Et, contre toute attente, le repos consomme plus d’énergie que le travail en routine. Le cerveau aime refaire ce qu’il sait faire et c’est là qu’il consomme le moins. Il s’est en quelque sorte « optimisé » pour produire ce résultat. Au repos, il va en permanence chercher à identifier une tâche nouvelle à optimiser et ça consomme de l’énergie.
Les travaux en question étaient basés sur l’apprentissage et le perfectionnement en jouant à Tetris en partant d’un groupe de personnes qui ne connaissaient pas le jeu. Ils montraient que, passée la phase d’apprentissage, le cerveau se mettait à consommer moins d’énergie qu’au repos.
C’est une autre façon d’interpréter la sensation de disponibilité, de temps qui s’écoule plus lentement, quand on réalise une tâche bien maîtrisée et dont il était question dans la relation entraînement-temps perçu.
Attention quand même aux possibles effets pervers de ce phénomène. L’appétence du cerveau pour le connu peut se transformer en dépendance voire en aliénation. Cette aptitude pourrait aussi expliquer la soumission aux tâches répétitives qui procurent, contre toute attente, un bien-être et une sensation de sécurité. Sans compter sur l’effet Tetris qui semble montrer que la répétition change notre perception du monde. Je dis semble mais en fait, elle la change. Et c’est bien ce qu’on attend de l’apprentissage. Mais à « pousser le bouchon » un peu trop loin, on peut quitter la maîtrise qui en résulte pour tomber dans la dépendance provoquée par une répétition excessive.
Mauvaises habitudes
Le mécanisme exposé plus haut explique aussi pourquoi il est si difficile de corriger nos mauvaises habitudes. Le cerveau adore apprendre, c’est à dire s’optimiser par la répétition. Mais il ne sait pas si ce qu’il apprend est valable ou non. Il se contente d’optimiser les situations récurrentes, répétitives.
Comment cela se passe-t-il en détails ?
Notre cerveau est très malléable, plastique. L’apprentissage consiste à renforcer les liaisons neuronales mises en oeuvre, notamment par la répétition, et à éliminer celles qui ne servent pas.
Quand une mauvaise habitude est prise, l’abandonner impose de détruire les liaisons fortes déjà créées, économes en dépense énergétique, et à reconstruire celles détruites (quitte à recycler une partie des liaisons encore existantes). On comprend que ce soit difficile. Et le cerveau déteste ça ; il préfère utiliser les liaisons à faire consommation qu’il a mises en place.
A noter que certaines liaisons détruites, abandonnées, ne pourront jamais se reconstituer totalement, notamment quand ça s’est passé très jeune. On trouve à ce sujet de nombreuses études. Par exemple, dans le domaine de l’apprentissage du langage : elles montrent que, si nous n’avons pas été exposés à certaines sonorités très jeunes, notre oreille (en fait, notre cerveau) ne pourra plus jamais les entendre et notre bouche (en fait, toujours notre cerveau) ne pourra plus jamais les produire. Le phénomène est moins radical s’agissant des mauvaises habitudes mais il est d’une nature similaire.
Dans son ouvrage Aïkido, le rêve du guerrier, au chapitre La forge du corps (Shintai tanren), Jean-Marie Michaud écrit ceci :
« purifier » le geste, lui donner « la bonne forme », pour enfin le « polir » jusqu’à la perfection. […] Exécuter mille fois un mauvais geste nous condamne à le désapprendre et à le réétudier dix mille fois !
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